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Photo du rédacteurStop Gavage Suisse

Alors ? C’est interdit ou c’est pas interdit ?

Le contexte législatif du foie gras en Suisse


L’engagement de la Suisse au niveau international


Les accords du GATT

Les accords du GATT font partie du traité de l’OMC depuis 1994


La Suisse est signataire des accords du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) et du traité de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). De ce fait, elle doit respecter les règles de libre-échange. Elle ne peut donc pas interdire ou restreindre le commerce de biens ou de services. Cependant, l’article XX des accords du GATT décrit les exceptions à cette obligation de libre-échange :


Article XX : exceptions générales

Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à

constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l’adoption ou l’application par toute partie contractante des mesures

a. nécessaires à la protection de la moralité publique ;

b. nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ;

[...]


On ne pourrait pas invoquer l’alinéa b), car interdire le foie gras ne protégerait pas directement la santé des animaux, la production étant déjà interdite en Suisse. Par contre, on pourrait interdire le foie gras en invoquant l’alinéa a) : la protection de la moralité publique. En effet, si le gavage est interdit en Suisse, c’est parce qu’il est considéré comme de la maltraitance animale, et donc comme contraire à la moralité publique. On peut donc facilement faire valoir que le commerce de foie gras est lui aussi contraire à la moralité publique. D’autre part, cet article a déjà été utilisé avec succès pour les produits dérivés du phoque, qui ont pu être interdits en Europe en 2013 en invoquant l’atteinte à la moralité publique. La Suisse a alors ensuite aussi interdit ces produits.


Les autres traités internationaux


La Suisse ne fait pas partie de l’Union Européenne (UE). Elle ne dispose donc pas des accords commerciaux dont jouissent les pays membres de l’UE. Elle doit donc signer des traités spécifiques nommés “accords bilatéraux” avec l’UE, mais aussi avec d’autres pays ou groupes de pays (États-Unis, Chine, etc.).


Les principaux accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE :

  • l’accord de libre-échange (AELE-UE) de 1972

  • l’accord sur les assurances de 1989

  • les accords bilatéraux I, signés le 21 juin 1999

  • les accords bilatéraux II, signés le 26 octobre 2004

  • l’accord sur la reconnaissance mutuelle des appellations d’origine protégées (AOP) et des indications géographiques protégées (IGP) pour les produits agricoles et les denrées alimentaires, signé en 2011

  • l’accord sur la concurrence, signé en 2013

Les accords bilatéraux avec l’UE traitent notamment des échanges de produits agricoles et des appellations protégées (IGP, AOP). Ainsi, le foie gras français importé avec le label «IGP foie gras du Sud Ouest» est fabriqué selon un procédé parfaitement connu et décrit (gavage).

Le label IGP est protégé par les accords bilatéraux


Le Conseil de l’Europe


La Suisse est membre du Conseil de l’Europe depuis 1963. Les Recommandations émises par le Conseil de l’Europe sont donc contraignantes pour la Suisse. Bien entendu, ces Recommandations sont émises en accord avec les 47 membres du Conseil de l’Europe. Les Recommandations de 1999 sur le foie gras sont donc applicables à la Suisse qui les met en œuvre via la LPA (Loi de Protection Animale) et son ordonnance en interdisant le gavage. Cependant, rien n’empêche la Suisse d’aller plus loin, par exemple en participant à des recherches sur les alternatives au gavage, comme stipulé dans les Recommandations, ou en interdisant purement et simplement le commerce de foie gras.


D’autre part, la Suisse n’étant pas membre de l’UE, elle n’est pas concernée par le Règlement 543/2008/CE qui définit le foie gras comme un foie stéatosé avec un poids minimum, c’est-à-dire en fait obtenu par gavage. Elle pourrait donc tout à fait autoriser l’appellation foie gras pour des produits qui ne sont pas obtenus ainsi : par exemple les foies gras produits sans gavage, des alternatives végétales ou des produits issus de culture cellulaire.


La Constitution suisse


La Constitution suisse du 18 avril 1999, article 80 :


Art. 80 Protection des animaux

1. La Confédération légifère sur la protection des animaux.

2. Elle règle en particulier : la garde des animaux et la manière de les traiter l’expérimentation animale et les atteintes à l’intégrité d’animaux vivants ; l’utilisation d’animaux ; l’importation d’animaux et de produits d’origine animale ; le commerce et le transport d’animaux ; l’abattage des animaux.

3. L’exécution des dispositions fédérales incombe aux cantons dans la mesure où elle n’est pas réservée à la Confédération par la loi.


La Constitution stipule seulement que la Confédération légifère sur la protection des animaux de manière générale. Elle indique que l’importation de produits d’origine animale relève de sa compétence. C’est donc bien au niveau fédéral qu’il faut agir si nous souhaitons faire interdire le foie gras.


La Loi de Protection Animale


La Loi de Protection Animale (LPA) du 16 décembre 2005, article 14 :


Art. 14 - Conditions, restrictions et interdictions

1. Le Conseil fédéral peut, pour des raisons relevant de la protection des animaux, soumettre l’importation, le transit et l’exportation d'animaux et de produits d’origine animale à certaines conditions, les limiter ou les interdire. L’importation de viande kascher et de viande halal pour assurer un approvisionnement suffisant des communautés juives et musulmanes en viande de ce type est réservée. Le droit d'importer et le droit de se procurer de la viande casher ou halal sont réservés aux membres de ces communautés ainsi qu’aux personnes morales et aux sociétés de personnes qui leur sont affiliées.

2. L’importation, le transit, l’exportation et le commerce de peaux de chat ou de chien et de produits fabriqués à partir de telles peaux sont interdits.


On peut noter que la LPA n’interdit pas explicitement telle ou telle pratique. Le gavage n’est donc interdit que par interprétation de la loi. Nous verrons plus loin que cela est confirmé par l’ordonnance d’application. On peut remarquer que l’alinéa 2 provient d’une motion parlementaire initiée par Luc Barthassat, suite à une pétition lancée par l’association SOS Chats de Noiraigue. Un article formulé de la même manière concernant le foie gras permettrait de parvenir à faire interdire le foie gras en Suisse.


Le Conseil national


L’Ordonnance sur la Protection des Animaux


L’Ordonnance sur la Protection des Animaux (OPAn) du 23 avril 2008, article 20 :


Art. 20 - Pratiques interdites sur la volaille domestique

Il est en outre interdit de pratiquer les interventions suivantes sur la volaille domestique :

a. lui couper le bec ;

b. lui couper les excroissances de la tête et les ailes ;

c. lui poser des lunettes ou des lentilles de contact ou des moyens

auxiliaires qui empêchent la fermeture du bec ;

d. la priver d’eau pour provoquer la mue ;

e. la gaver ;

f. plumer la volaille vivante.


Depuis cette ordonnance, il n’y a plus aucun doute sur le fait que le gavage est interdit. Cela rend encore plus hypocrite la possibilité d'importer et de faire le commerce de ce produit en Suisse. On constate aussi que le plumage à vif est interdit. Les plumes d'oies en provenance de Hongrie se trouvent donc, du point de vue législatif, dans la même situation que le foie gras.


Le Parlement fédéral à Berne


Les autres objets parlementaires


Voici quelques objets qui intéressent notre question, encore en cours ou déjà liquidés.


Motion Maeder : interdiction d’importer du foie gras


La motion 91.3338, a été déposée le 03.10.1991 par Herbert Maeder, et fut retirée le 29.09.1993.


Texte déposé :


Le Conseil fédéral est chargé d’élaborer les bases légales permettant d’interdire de façon générale l’importation de foie gras de toute espèce animale.


À l’époque, le Conseil fédéral s’est opposé à cette motion expliquant qu’elle allait à l’encontre des accords du GATT. Il aborda la question des exceptions de l’article XX, et expliqua que l’alinéa b) ne s’applique pas à ce cas de figure, ce qui est vrai : une interdiction du foie gras ne permet pas directement de «protéger la vie des animaux». Cependant, le Conseil fédéral ne parla pas de l’alinéa a) sur la moralité publique. Depuis, nous avons vu que cet alinéa avait permis de faire interdire les produits du phoque dans l’UE.


Une autre raison du rejet de cette motion est due au chantage que la France avait exercé contre la Suisse, par la voix de M. Henri Emmanuelli, alors président de l’assemblée nationale française : si la motion devait être acceptée, la France aurait fait interdire le chocolat suisse pour des raisons de maltraitance des vaches !


Herbert Maeder


Motion Aebischer CN(PS/BE)


La motion 15.3832, a été déposée le 10.10.2015 par Matthias Aebischer, et fut liquidée le 29.11.2017.


Texte déposé :


Le Conseil fédéral est chargé de décréter une interdiction d’importer des produits provenant d’animaux ayant subi de mauvais traitements ; il tiendra compte, ce faisant, des engagements internationaux en la matière.


Cette motion concernait le foie gras, mais pas uniquement. Elle fut miraculeusement adoptée au Conseil national en juin 2017, mais ensuite les opposants ont bien manœuvré pour la faire échouer au Conseil des états. Ils ont utilisé la question du foie gras pour polariser le débat, et sont allés chercher l’appui de la communauté juive pour dénoncer une possible discrimination due à l’interdiction préexistante de production de viande casher ainsi que celle du milieu horloger qui a des besoins en peaux de reptiles pour les bracelets de montre.


Matthias Aebischer


Motion Keller-Inhelder CN(UDC/SG)


La motion 18.4309, a été déposée le 14.12.2018 par Barbara Keller-Inhelder, et fut liquidée le 05.12.2019.


Texte déposé :


Le Conseil fédéral est chargé de revoir la réglementation en matière d’importation de produits d’origine animale et d’interdire l’importation de ces produits lorsque leur fabrication est interdite en Suisse sous peine de sanctions.


Cette motion comprend le foie gras, mais pas uniquement. Sans surprise, le Conseil fédéral proposa de rejeter cette motion.


Barbara Keller-Inhelder


Barbara Keller-Inhelder n’ayant pas été réélue en 2019 au Conseil national, sa motion a été reprise par le Conseiller national Lukas Reimann (UDC/SG) sous la forme d’une nouvelle motion : la motion 19.4583, avec exactement le même texte déposé. La motion n’est pas encore traitée.


Lukas Reimann


Motion Haab CN(UDC/ZH)


La motion 20.3021 a été déposée le 02.03.2020 par Martin Haab et n’est pas encore traitée.


Texte déposé :


Le Conseil fédéral est chargé de faire usage de la compétence qui lui est dévolue par l'art. 14, al. 1, de la loi sur la protection des animaux pour frapper d'interdiction l'importation du foie gras.


Sans surprise, le Conseil fédéral propose de rejeter cette motion.


Cette motion est un grand espoir pour mettre fin au foie gras en Suisse, car elle est déposée par un parlementaire UDC et paysan, ce qui lui donne a priori plus de chance d’être acceptée par une majorité des parlementaires.


Martin Haab


Analyse du contexte législatif pour la Suisse


L’orientation générale de la législation


La Suisse fait partie des pays qui interdisent le gavage. La LPA qui n’était pas explicite sur ce point a été précisée par l’ordonnance de 2008. La Suisse n’étant pas membre de l’UE, elle n’est pas concernée par le Règlement 543/2008/CE, de l'Union européenne. Elle peut donc a priori utiliser le terme foie gras comme elle l’entend tant qu’elle n’utilise pas l’appellation IGP.


La Suisse dispose de la législation nécessaire pour une interdiction d’importation du foie gras. De plus elle a déjà promulgué ce genre d’interdiction pour d’autres produits d’origine animal (peaux de chats et de chiens, produits du phoque).


La Suisse est donc une bonne candidate pour interdire l’importation de foie gras et plus généralement les produits issus d’animaux gavés.


Poursuites et mesures de rétorsion économique


Quels sont les risques pour la Suisse, si elle adoptait une loi interdisant les produits du gavage ?


En principe, les pays producteurs, la France en tête, risquent de porter plainte auprès de l’OMC pour non respect des accords du GATT. Mais si l’article XX a) s’applique, ils devraient perdre comme a perdu le Canada contre l’UE pour les produits du phoque, pour peu qu’on arrive à démontrer que ce commerce va à l’encontre de la moralité publique. Et ceci devrait pouvoir être réalisé facilement car d’une part c’est pour des raisons éthiques que le gavage a été interdit en Suisse depuis 40 ans, et d’autre part 76% des Suisses considèrent que le gavage est de la maltraitance animale selon le sondage DemoScope de fin 2018.


En outre, les pays producteurs pourraient engager des mesures de rétorsion économiques. En 1993, suite au dépôt de la motion Maeder, la France avait menacé d’interdire le chocolat suisse si la Suisse interdisait le foie gras français. Il y a de grandes chances que la France profère des menaces du même ordre, ou cherche à dénoncer certains accords bilatéraux. Le Conseil fédéral devra alors se battre pour faire respecter cette nouvelle législation.


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